Oncologie

Les soins oncologiques de support

Auteur
AuteurDr Florian Scotté
Date
Date4 juin 2023
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Soins oncologiques de support

Les soins oncologiques de support ont été définis officiellement en France à l’occasion de l’officialisation du premier plan cancer dans la circulaire du 22 février 2005 par « l’ensemble des soins et soutiens, nécessaires aux personnes malades, tout au long de la maladie, conjointement aux traitements spécifiques, lorsqu’il y en a ».

Il s’agit de coordonner les compétences et expertises de tous les acteurs du soin, autour du patient et de ses proches, en les impliquant dans les choix stratégiques thérapeutiques et d’accompagnements. Ils couvrent l’ensemble du parcours du patient, dès le diagnostic, tout au long du traitement et après ces derniers.

Les soins de supports pour un cancer en phase avancée

Dans le cas d’une situation curative, le parcours personnalisé post thérapeutique (anticipé dès le diagnostic) permettra de limiter les séquelles des traitements et du cancer ainsi que d’assurer les meilleures quantité et qualité de vie possible. Ainsi, durant la phase thérapeutique anti-cancéreuse, les soins de support permettront d’optimiser la tolérance aux traitements et de facto d’en assurer les meilleures réalisation et efficacité.

Le panier des soins de support

Le terme, certainement le plus important dans la définition des soins de support, est « conjointement ».

Dans un contexte actuel d’hyperspécialisation de la cancérologie, rendu nécessaire par la complexité des thérapeutiques ciblées, il est indispensable que les équipes thérapeutiques du cancer communiquent et travaillent de concert avec les équipes spécialistes de l’accompagnement du patient et de ses proches. Cette nécessaire collaboration a été rappelée par S.Kaasa et al. (3) En 2016, un socle de base et un socle complémentaire de soins de support ont été définis par l’Institut National du Cancer.

Les quatre soins de support de base sont :

  • la prise en charge des douleurs ;
  • la prise en charge nutritionnelle et diététique ;
  • la prise en charge psychologique des patients ;
  • la prise en charge sociale du patient et de ses proches

Le groupe des soins de support complémentaires comprend :

  • l’activité physique adaptée ;
  • l’accompagnement psychologique des proches du patient ;
  • la prise en charge des troubles de la sexualité ;
  • la préservation de la fertilité ;
  • les conseils d’hygiène de vie.

Les soins de support selon les besoins

Ces soins doivent être organisés, structurés et proposés dans tout centre prenant en charge des patients dans le cadre d’un cancer. Cette structuration fait, depuis le décret du 27 avril 2022 (Article R.6123-91-10), partie des éléments indispensables pour l’obtention d’une autorisation à exercer la cancérologie. Ce décret rappelle également l’importance du repérage des besoins, de leur évaluation, permettant d’organiser un parcours d’accompagnement adapté aux vulnérabilités de chaque patient et de ses proches : « L’évaluation des besoins et l’accès aux soins oncologiques de support nécessaires aux patients, notamment la prise en charge de la douleur, le soutien psychologique, le renforcement de l’accès aux services sociaux et, s’il y a lieu, la démarche palliative ». Une fois identifié, il s’agira de coordonner les différentes interventions, ce qui correspond à la mission principale des référents en soins de support, afin d’articuler au mieux les actions de telle ou tel partenaire transversal (kinésithérapeute, pharmacien(ne), diététicien(ne)…).

L’évaluation et le repérage des besoins peuvent se faire par un professionnel de santé, c’est d’ailleurs l’une des missions des infirmières dites d’annonce dans le cadre du dispositif éponyme. Il est également réalisable sous forme d’auto-questionnaire facilité par le développement des outils digitaux.

Ces derniers, adossés à une structure humaine d’infirmier(e)s de coordination et d’infirmier(e)s de pratique avancée, font d’ailleurs l’objet d’un encadrement légal depuis le décret 2022-1767 du 30 décembre 2022 qui définit, pour les activités de télésurveillance, un montant forfaitaire (en cours de négociation à l’heure de l’écriture de cet article) basé sur un « forfait technique » visant à rémunérer l’outil digital et un ‘forfait opérateur », visant à rémunérer les institutions humaines réalisant le suivi et la coordination.

Trois exemples de soins de support aux différents temps du parcours

Au diagnostic - l’enquête nutritionnelle et les conseils diététiques.

On le rappelle, l’accompagnement nutritionnel fait partie du socle de base des soins de support. La dénutrition est courante dans le contexte de la cancérologie de l’ordre de 40% de patients dénutris, tous cancers confondus. Elle est reconnue comme étant un facteur péjoratif d’évolution pathologique et de complication des traitements. Il s’agira éventuellement de proposer au patient d’intégrer un parcours de préhabilitation, permettant une reprise du contrôle nutritionnel, psychologique, physique et addictologique avant de démarrer le traitement anticancéreux (chirurgie, radiothérapie ou traitement médical).

La définition de la dénutrition est précise :

- Une perte d’au moins 5 % du poids pendant 1 mois

- Une perte d’au moins 10 % du poids pendant 6 mois

- Un IMC ≤ 18,5 (si l’âge est ≤ 70 ans)

- Un IMC ≤ 21 (si l’âge est > 70 ans)

Des compléments nutritionnels oraux (CNO) sont disponibles, si possible sur avis de l’équipe de diététique afin de les adapter aux besoins identifiés du patient. Ce sont des préparations riches en énergie, protéines, vitamines et minéraux, sous forme de boissons lactées, de crèmes desserts, de potages, de jus de fruits, ou encore de plats préparés. Ces aliments sont des compléments à une alimentation adaptée. Il existe également des poudres de protéines permettant d’enrichir l’alimentation standard. Dans certaines situations, on pourra proposer une alimentation entérale sous forme de sonde naso-gastrique ou de gastrostomie d’alimentation. La voie injectable correspond à des produits spécifiques utilisés dans un cadre très précis sur une durée courte et encadrés par une équipe de spécialistes. Repérer une dénutrition précocement, ou des facteurs de risque de dénutrition, permet d’anticiper une évolution qui sera délétère sur la suite de la prise en charge et mettant potentiellement en péril, la vie du patient. On retrouve ici l’importance de la prévention et de l’anticipation propre aux soins de support.

En cours de traitement, notamment par hormonothérapie, il est possible de rencontrer des problématiques contraires de prise de poids, nécessitant là encore des conseils de spécialistes accompagnés d’une pratique d’activité physique adaptée. C’est également le cas en situation post thérapeutique, avec des programmes de réhabilitations.

Le réseau Nacre est particulièrement impliqué dans la politique d’accompagnement nutritionnelle dans le cadre des maladies cancéreuses.

En cours de traitement : la prévention de neutropénie fébrile

Il s’agit là d’un enjeu majeur des soins de support et des missions des sociétés savantes (MASCC, AFSOS…) ; prévenir et gérer les toxicités des traitements anti-cancéreux.

Les toxicités hématologiques, dont la neutropénie, sont courantes avec les chimiothérapies. Le développement des thérapies ciblées et de l’immunothérapie aurait pu faire croire au caractère obsolète de ces toxicités. Pourtant de nombreuses stratégies s’appuient encore sur la chimiothérapie, certaines thérapies ciblées ont un impact en termes de neutropénie et on associe à présent les différentes modalités thérapeutiques par exemple immuno- chimiothérapie. Cette question reste donc d’actualité. La neutropénie se définit par une chute du compte de polynucléaires neutrophiles dont la profondeur et la durée définissent le grade de sévérité. Associée à une fièvre > 38°2, la neutropénie devient fébrile et associée à une mortalité non négligeable autour de 10% des patients (selon la localisation).4,5 Les facteurs de risque associés à la survenue d’une neutropénie fébrile sont notamment l’âge (défini à plus de 65 ans) et la mortalité souvent rattachée aux comorbidités et antécédent de neutropénie fébrile.

Là encore, l’évaluation du patient et de son risque de développer une neutropénie fébrile en lien avec son traitement doit être menée et répétée avant chaque cycle de traitement. La prophylaxie peut reposer sur une adaptation du schéma thérapeutique, avec un risque de diminution de l’efficacité par réduction de la dose intensité relative.6,7,8,9

Une autre solution est le recours prophylactique aux facteurs de croissance hématopoiétiques que sont les GCSF. Ces derniers existent sous forme injectable, administrés par voie sous-cutanée en débutant dans les 48h suivant l’administration du traitement hématotoxique. Certains sont administrés quotidiennement, d’autres, sous forme pegylée, sont administrés en une injection unique. Ces médicaments existent aujourd’hui en bio-similaires, permettant une réduction des coûts de santé. Il existe des recommandations permettant de guider les conduites à tenir en cas de neutropénie.

Après le traitement : l’activité physique adaptée.

L’activité physique adaptée (APA) fait également partie des soins de support complémentaires au socle de base. Réalisée par des professionnels formés à la connaissance des pathologies cancéreuse, de leurs traitements et au contact des patients touchés, les praticiens en APA peuvent intervenir dans des structures hospitalières ou libérales, voire adossées à des associations. Si la prescription d’activité physique adaptée est aujourd’hui recommandée et développée, son remboursement fait encore l’objet d’évaluation et un article 51 est en cours de réalisation.

Un certificat de non contre-indication à sa réalisation est nécessaire et s’il n’existe pas de réelle contre-indication absolue, on restera évidemment vigilant à certaines situations à risque, notamment cardiovasculaires, mais également à bien évaluer les capacités du patient en charge afin d’éviter toute aggravation notamment dans un contexte de sarcopénie. L’activité physique adaptée est un enjeu des préventions primaires (pour éviter l’apparition de maladie), secondaire (pour limiter les toxicités et améliorer l’évolution pathologique) ou tertiaire en phase post thérapeutique. Elle repose sur une activité régulière, soutenue et d’une durée supérieure à 150 minutes par semaine. Une motivation et un encadrement sont nécessaires ainsi qu’une réévaluation régulière, tout au long du parcours du patient (ou ancien patient).

Les soins de support font intégralement partie de la stratégie thérapeutique gagnante contre le cancer. Leur approche basée sur l’anticipation va continuer à se développer notamment au travers de programmes de recherche sur les facteurs prédictifs, cliniques, biologiques, génomiques de survenue de complications. Des associations comme l’Association Francophone pour les Soins Oncologiques de Support (AFSOS) ou la Multinational Association of Supportive Care in Cancer (MASCC) sont le relais de leur importance notamment avec la phrase étendard de MASCC : « Supportive Care makes excellent cancer care possible » (Les soins de support rendent possible l’excellence des soins contre le cancer).

Article réalisé par le Dr Florian Scotté, oncologue médical et titulaire d’un doctorat de sciences en éthique médicale. Vice-président de l’Association francophone pour les soins oncologiques de support (AFSOS), membre du comité directeur de la Multinational Association for Supportive Care in Cancer (MASCC) et du comité scientifique de l’European Society of Medical Oncology (ESMO).

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Références
💡Circulaire DHOS/SDO/2005/101 du 22 février 2005 relative à l’organisation des soins en cancérologie

💡Temel J.S, Greer J.A, Muzikansky A. et al. Early palliative care for patients with metastatic non Small cell lung cancer. NEJM 2010 ; 363 : 733-42.

💡Stein Kaasa, JH.Loge, M.Aapro et al. Integration of oncology and palliative care : a Lancet Oncology commission. Lancet Oncol 2018; 19: e588–653

💡Kuderer NM et al. Mortality, Morbidity, and Cost associated with febrile neutropenia in adult cancer patients. Cancer 2006;106 (10): 2258-66

💡Kuderer NM, Dale DC, Crawford J, Lyman GH. Impact of primary prophylaxis with granulocyte colony-stimulating factor on febrile neutropenia and mortality in adult cancer patients receiving chemotherapy: a systematic review. J Clin Oncol. 2007 Jul 20;25(21):3158-67.

💡Bonadonna G, Valagussa P, Moliterni A, et al. Adjuvant cyclophosphamide, methotrexate, and fluorouracil in node-positive breast cancer:  the results of 20 years of follow-up. N Engl J Med. 1995 Apr 6;332(14):901-6

💡Loibl S, Skacel T, Nekljudova V, et al. Evaluating the impact of Relative Total Dose Intensity (RTDI) on patients' short and long-term outcome in taxane- and anthracycline-based chemotherapy of metastatic breast cancer- a pooled analysis.  BMC Cancer. 2011 Apr 12;11:131.

💡Chirivella I, Bermejo B, Insa A, et al. Optimal delivery of anthracycline-based chemotherapy in the adjuvant setting improves outcome of breast cancer patients. Breast Cancer Res Treat. 2009 Apr;114(3):479-84.

💡Bosly A, Bron D, Van Hoof A, et al. Achievement of optimal average relative dose intensity  correlation with survival in diffuse large B-cell lymphoma patients treated with CHOP. Ann Hematol. 2008 Apr;87(4):277-83. 12:Lyman GH, et al. Cancer. 2010;116:5555-5563.

💡Klastersky J et al. Annals of Oncology 27 (Supplement 5): v111–v118, 2016)

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