Gynécologie

Auto-prélèvements HPV : opportunités, limites et perspectives

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AuteurDr J.Monsonego
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Date10 juillet 2023
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Auto-prélèvements HPV : opportunités, limites et perspectives

15 ans après la mise à disposition en France du vaccin HPV, nous nous plaçons parmi les derniers pays d’Europe qui investit dans cette prévention. L'auto-prélèvements HPV représente une alternative intéressante pour élargir le dépistage des HPV ? Dr J.Monsonego, Président de la Commission col-HPV du CNGOF, nous explique quelles sont les opportunités, limites et perspectives pour l’auto-prélèvement HPV.

La couverture vaccinale et le cancer HPV en France

15 ans après la mise à disposition en France du vaccin HPV et son remboursement par l’assurance maladie, la couverture vaccinale demeure très insuffisante chez les jeunes filles (37%) et médiocre chez les garçons (6%), nous plaçant parmi les derniers pays d’Europe investit dans cette prévention.

Pourtant près de 6500 cancers HPV induits continuent à sévir chaque année (3000 cancers du col utérin 30.000 lésions précancéreuses, 1600 cancers de l’anus et 1800 cancers de l’oropharynx chez la femme et l’homme).

L’engagement courageux du président de la République afin de corriger cette situation est bienvenue à un moment où la défiance injustifiée vis-à-vis des vaccins peut contribuer à entretenir une certaine hésitation.

Je regrette cependant qu’il n’y ait eu aucune annonce concernant le dépistage. On ne peut pas parler de prévention et d’éradication des cancers HPV induits sans parler de dépistage car il concerne encore la plus vaste majorité des femmes aujourd’hui de 25 à 65 ans qui n’ont pas bénéficié de la vaccination. En France, cette couverture ne dépasse pas 60 % ****en moyenne avec des grandes variabilités d'une région à une autre.

L’élimination des cancers HPV induits tel qu’annoncée par l’OMS à l’horizon 2030, ne pourrait devenir un objectif réaliste que si le programme vaccinal s’accompagne d’une importante sensibilisation sur le dépistage du cancer du col.

En termes de dépistage, quels que soient la tranche d’âge et le test de dépistage réalisé, le prélèvement de référence est le Prélèvement cervico-utérin (PCU) réalisé par un clinicien. La HAS précise cependant dans ses recommandations que le test HPV-HR réalisé sur un auto-prélèvement vaginal (APV) constitue une modalité de prélèvement alternative au prélèvement cervico-utérin par un professionnel de santé.

L’auto-prélèvement HPV : qu’est-ce que c’est ?

L’auto-prélèvement est un dispositif utilisé par la patiente elle-même. Il est introduit dans le vagin de façon à récupérer les cellules qui desquament.
Ce dispositif est par la suite introduit dans un flacon et adressé dans une enveloppe pré-timbrée à un laboratoire qui va effectuer la recherche de HPV.

Une alternative pour élargir le dépistage des HPV

En facilitant le dépistage des femmes de 30 ans à 65 ans qui ne viennent pas consulter, ne répondent pas aux convocations et de ce fait ne se font jamais ou insuffisamment dépister, les auto-prélèvements HPV permettraient d’élargir la couverture du dépistage. L’espoir est de faire évoluer cette couverture, actuellement inférieure à 60 %, vers un objectif de 80 %.

L’impact de l’approche par auto-prélèvement a été parfaitement documentée ces dernières années. De nombreuses publications sont disponibles et répertorient trois éléments clés prometteurs.

Une participation au dépistage multipliée par deux

Selon les méta-analyses(1) basées sur de nombreuses publications à travers le monde, une population qui bénéficie de la méthode d’auto-prélèvement HPV multiplie par un facteur 2 sa participation au dépistage par rapport à une population qui n’en bénéficie pas. L’auto-prélèvement a donc démontré qu’il améliore la couverture de manière très significative.

Une sensibilité comparable aux prélèvements en cabinet

L’écueil de la sensibilité des tests a été levé depuis la substitution de la cytologie de dépistage par le test HPV, qui est beaucoup plus sensible Lorsque l'on compare la sensibilité de détection des lésions de haut grade par le test HPV entre l'auto-prélèvement et le prélèvement réalisé par le praticien, on constate que cette sensibilité est quasiment identique (2) . En d'autres termes, l’auto-prélèvement fait aussi bien que le prélèvement par le praticien en cabinet de consultation pour la détection des lésions de haut grade avec le test HPV.

Une bonne acceptabilité par les patientes

Point également bien documenté (3) , l’auto-prélèvement est bien accepté par la majorité des femmes qui ont été interrogées. En effet, une bonne acceptabilité et un bon retour sur l'exploitation de ce test de dépistage directement par la patiente ont été rapportés.
Titre H2 Quelles sont les limites à l’utilisation de l’auto-prélèvement HPV ?

Il existe néanmoins un certain nombre de conditions et de limites à l’utilisation de l’auto-prélèvement dans le dépistage du cancer du col induit par HPV.

La patiente doit être âgée de plus de 30 ans

Comme pour le prélèvement réalisé chez le praticien, le test HPV sur auto-prélèvement ne peut être réalisé que chez les femmes de plus de 30 ans. Pour les femmes de 25 à 30 ans, la cytologie demeure la référence comme outil de dépistage. L'auto-prélèvement HPV n'est donc pas proposé aux femmes de moins de 30 ans essentiellement parce que le dépistage HPV avant 30 ans n'est pas une approche pertinente et performante en raison de la prévalence élevée de l'infection.

Le laboratoire doit pouvoir pratiquer un test d’amplification génique

Lorsque l'on utilise l'auto-prélèvement pour le test HPV en dépistage primaire, les tests que l'on peut utiliser ne peuvent être que des tests d'amplification génique (des tests PCR) et non pas des tests d'amplification du signal. Les tests d’amplification du signal ont en effet une sensibilité bien moindre aux tests PCR et sont certes de moins en moins utilisés mais restent encore assez répandus dans certains laboratoires.

L’auto-prélèvement est à usage unique

Chez les femmes de plus de 30 ans présentant un test HPV positif dans l’auto-prélèvement, il est nécessaire, d’après les recommandations, d’effectuer un triage par la cytologie. Aujourd’hui, dans le cas d’un auto-prélèvement et contrairement au prélèvement effectué par le praticien, il n’est pas possible de retourner sur le flacon et le liquide pour faire la cytologie réflexe. Il est ainsi nécessaire que les femmes qui ont un test HPV positif par l'auto-prélèvement aillent consulter pour effectuer une cytologie de triage.

Quelles perspectives pour l’auto-prélèvement HPV ?

Un certain nombre de questions sont encore en cours d'exploration ou en cours d'évaluation.

Un meilleur dépistage signifie une meilleure prise en charge ?

Dans le cas de l’utilisation des auto-prélèvements dans les populations défavorisées, les questions qui se posent sont : quel va être l'engagement des femmes HPV positives ? Nous ne savons pas si les femmes qui auront un test HPV positif seront vraiment compliantes pour venir compléter l’exploration et en particulier faire un triage cytologique. Et de même, si le triage cytologique est positif, seront-elles compliantes pour la prise en charge ? Ce sont des informations qui ne sont actuellement pas disponibles.

Proposer l’auto-prélèvement à tout le monde ou seulement à une population réfractaire ?

Certains pays, en particulier la Hollande qui est initiatrice dans ce domaine, proposent l’auto-prélèvement pour le dépistage primaire à tout le monde (4) de façon égale au dépistage réalisé par le praticien. C'est à dire qu’ils ne ciblent pas une population à risque mais le proposent systématiquement. Chacun peut choisir d’aller chez son praticien pour se faire prélever ou pratiquer l'auto-prélèvement. En France et dans d'autres pays, l'orientation est plutôt de laisser le praticien poursuivre son activité de suivi des patientes et de réserver l'auto-prélèvement à des femmes non participantes ou à des femmes qui ne répondent pas aux convocations. L’impact reste à évaluer.

Une possibilité de retourner sur l’auto-prélèvement ?

Lorsque le test HPV avec l’auto-prélèvement est positif et nécessite un triage cytologique, sera-t-il possible de retourner sur l'auto-prélèvement pour réaliser la cytologie ? Cela reste encore à évaluer. Il faudra explorer d'autres approches comme outil de triage, par exemple la méthylation, en cours d’évaluation et qui semble augmenter la spécificité du dépistage.

Une diversification des outils de prélèvement ?

La qualité des différents outils de prélèvement est en cours d'évaluation. Un certain nombre de kits aujourd'hui proposés ont été évalués et semblent être assez performants, mais d'autres sont toujours en cours d'évaluation. L'intérêt d'exploiter les urines comme véhicule pour tester l’HPV directement en auto-prélèvement par la patiente est aussi en cours d’exploration.

Comment rendre accessible les kits de prélèvement ?

L'implémentation, la mise à disposition des outils de prélèvement, lorsque l'on s'adresse à des populations défavorisées ou à celles qui ne répondent pas au dépistage, est un vrai challenge. Comment rendre l’outil accessible ? Est-ce-que ce serait à travers le pharmacien, à travers le généraliste, à travers les centres de gestion du dépistage du cancer du col comme ce qui semble plutôt être l'orientation en France, à travers un accès en ligne comme pour le dépistage du cancer du côlon où l’on peut se procurer le matériel en faisant une demande directement en ligne ? Tout cela mérite encore d'être évalué.

Enfin, lorsqu'on parle d’auto-prélèvement de dépistage du cancer du col de l’utérus, il y a nécessairement une approche d'éducation du public. Il ne s'agit pas ici de court-circuiter l'activité du professionnel, qui demeure très important, mais informer le public suppose un minimum de programmes pédagogiques pour informer les femmes de l'intérêt de cet auto-prélèvement.

Ces grandes orientations et évolutions sont à attendre (5). La couverture est l’élément clé de la réussite d’un programme de dépistage (avec pour rappel en France l’objectif de passer de 60 à 80 % dans les années à venir). L’auto-prélèvement participera donc très certainement et très utilement à l’extension de cette couverture. Les mois et les années à venir nous diront si sa mise en œuvre pourra se faire sans difficulté.

Références :

💡PT Yea et al BMJ Global Health 2019; Virtanen A et al Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 2011

💡Arbyn et al BMJ 2018; Arbyn Valhudes 2022

💡Racey Cs et al J Women Health 2016, Braz NSDF  Clinics 2017

💡F. Inturrisi et al.  The Lancet Regional Health - Europe 00 (2021) 100235

💡M Rebolj et al ,Int. J. Cancer. 2022;1–12.

💡Haute Autorité de Santé (HAS)

💡e-cancer.fr

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