Gynécologie

Cancer de l’ovaire : deux synthèses d’article

Auteur
AuteurAssociation des Jeunes Oncologues de Rhône-Alpes
Date
Date4 mai 2023
share
Cancer de l’ovaire : deux synthèses d’article

Edito : depuis l’avènement des inhibiteurs de PARP dans le cancer de l’ovaire, l’introduction de l’immunothérapie constitue un défi difficile à relever. Dans l’attente, l’optimisation des standards médico-chirurgicaux reste de mise, sans oublier le dépistage en population générale. 

Discussion 1 : NEOPEMBROV, ASCO 2021 abstract 

Efficacy and safety results from neopembrov study, a randomized phase II trial of neoadjuvant chemotherapy (CT) with or without pembrolizumab (P) followed by interval debulking surgery and standard systemic therapy ± P for advanced high-grade serous carcinoma (HGSC): A GINECO study.

RAY-COQUARD et al. 

L’immunothérapie peine à trouver sa place dans le cancer de l’ovaire. Après deux études de phase III négatives en première ligne (IMAGYN 050) et en deuxième ligne (JAVELIN Ovarian 200) de l’association d’un anti-PDL1 à la chimiothérapie, les premiers résultats de l’essai NEOPEMBROV ouvrent une porte en situation néo-adjuvante à l’immunothérapie.  

NEOPEMBROV est un essai randomisé de phase II non comparatif, dont l’objectif principal était d’évaluer l’impact de l’ajout du pembrolizumab à la chimiothérapie en situation néo-adjuvante de carcinomes séreux de haut grade de l’ovaire de stade avancé, non accessibles à une chirurgie de cytoréduction d’emblée (stades FIGO IIIC/IV), mais éligibles à une chirurgie intervallaire. Cette situation représente environ 60% des patientes nouvellement diagnostiquées d’un cancer de l’ovaire de haut grade en France, et est associée à un succès mitigé de la chirurgie de cytoréduction intervallaire, complète dans  50 à 65% des cas selon les études.  

Par rapport au groupe standard, les patientes du groupe expérimental recevaient du pembrolizumab (200 mg/3 semaines) au cours des 4 cycles de chimiothérapie première (carboplatine AUC 5 + paclitaxel 175 mg/m2). Après la chirurgie de cytoréduction intervallaire, elles recevaient 2 à 4 cycles de cette association, puis une maintenance par pembrolizumab jusqu’à 24 mois au total. Les patientes des deux groupes pouvaient recevoir du bevacizumab en post-opératoire en cas de volume tumoral de plus de 5 cm, pour une durée de 15 mois. L’ajout de l’olaparib en maintenance avait été autorisé en cours d’essai chez les patientes présentant une mutation BRCA, suite aux résultats de l’essai PAOLA-1. Le critère de jugement principal de l’étude était le taux de chirurgie de cytoréduction complète. L’hypothèse statistique supposait un taux de 70% de résection complète dans le groupe expérimental pour conclure à la positivité de l’étude. Dans cet essai de phase II non comparatif, l’existence d’un groupe contrôle avait pour objectif d’éviter les biais de sélection, et non d’effectuer une comparaison statistique entre les deux groupes.  

91 patientes ont été randomisées, 61 dans le groupe expérimental et 30 dans le groupe contrôle. L’âge médian était de 63 ans (40-79) et le PCI médian de 19 (7-39). 88% des patientes ont reçu du bévacizumab en post-opératoire. La chirurgie d’intervalle a été réalisée chez 95% des patientes dans les deux groupes. L’étude était positive sur son critère de jugement principal, avec un taux de chirurgie de cytoréduction complète atteignant 73.9%, soit 78% des patientes du groupe expérimental chez qui la chirurgie d’intervalle avait été réalisée. Dans le groupe contrôle, le taux de cytoréduction complète s’élevait à 70%. Le taux de réponse objective était de 73.3% (IC95% 60.3-83.9) dans le groupe expérimental, et de 62% (IC95% 42.3-79.3) dans le groupe contrôle. Après un suivi médian de 22 mois, la survie sans progression était superposable dans les deux groupes (médiane de 19.3 et 20.8 mois dans le groupe expérimental et dans le groupe contrôle, respectivement), tandis que les données de survie globale sont immatures à ce jour.  

L’ajout du pembrolizumab augmentait légèrement le taux d’évènements indésirables de grade ≥ 3, présentés par 75% des patientes du groupe expérimental et par 67% de celles du groupe contrôle, et étaient essentiellement d’ordres hématologique, digestif et vasculaire.  

Si les premières données de cet essai sont encourageantes, ces résultats demandent à être validés. On entendra cependant reparler de l’étude NEOPEMBROV pour les analyses translationnelles que son design offre, qui permettront de mieux comprendre les biomarqueurs prédictifs de réponse à l’immunothérapie et ses mécanismes de résistance dans le cancer de l’ovaire.  

Discussion 2. JAMA Oncology, 2021 

Efficacy and Safety of First-line Single-Agent Carboplatin vs Carboplatin Plus Paclitaxel for Vulnerable Older Adult Women With Ovarian Cancer. 

A GINECO/GCIG Randomized Clinical Trial 

Falandry et al.  

La prise en charge initiale d’un cancer de l’ovaire de stade avancé représente une stratégie médico-chirurgicale lourde, conduisant à des adaptations thérapeutiques fréquentes chez les patientes âgées. Le GVS (Geriatric Vulnerability Score) est un score clinico-biologique établi par groupe GINECO (Falandry et al. Ann Oncol, 2013), qui permet d’identifier les patientes âgées  « vulnérables ». Un score ≥ 3 parmi les 5 items qui le constituent (score ADL (Activities of Daily Living) < 24/27, score IADL (Instrumental ADL)  < 24/27, HADS (Hospital Anxiety and Depression Scale) > 12/42, hypoalbuminémie < 35 g/L et lymphopénie < 1 G/L) est associé à une surmortalité chez les patientes de plus de 70 ans prises en charge pour un cancer de l’ovaire de stade avancé. 

L’objectif de l’essai EWOC-1 était d’évaluer, dans une population de patientes âgées de plus de 70 ans, identifiées comme fragile par le score GVS, le schéma de chimiothérapie le plus adapté parmi ceux habituellement proposés en pratique clinique en première ligne d’un cancer de l’ovaire de stade FIGO III ou IV. Les patientes étaient randomisées entre trois schémas de chimiothérapie : 

le schéma dit standard : carboplatine AUC 5 + paclitaxel 175 mg/m2 toutes les 3 semaines 

un doublet de chimiothérapie hebdomadaire : carboplatine AUC 2 + paclitaxel 60 mg/m2 hebdomadaires, 3 semaines/4 

une monochimiothérapie : carboplatine AUC 5-6 toutes les 3 semaines. 

Le critère de jugement principal de l’étude était la faisabilité de la chimiothérapie, c’est-à-dire le pourcentage de patientes pour lesquelles les 6 cycles de chimiothérapie avaient pu être administrés, sans arrêt prématuré pour progression ou toxicité. 

Au total, 120 patientes sur les 444 patientes évaluées pour inclusion avaient un GVS ≥ 3 et ont été réparties équitablement dans chaque bras. L’âge médian était de 80 ans. Le schéma standard était associé au meilleur taux de faisabilité avec 65% des patientes ayant réalisé les 6 cycles de chimiothérapie, contre 60% pour le doublet hebdomadaire et 48% pour la monochimiothérapie par carboplatine. Le protocole standard était également le mieux toléré, avec 43% d’événements indésirables, contre 58% pour les deux autres protocoles. Le schéma par carboplatine seul était notamment associé à un taux plus élevé de thrombopénie et d’anémie sévères que les autres bras. Si le taux d’arrêt de la chimiothérapie pour toxicité était comparable entre les 3 groupes (20, 23 et 15% respectivement), les patientes qui recevaient un doublet de chimiothérapie étaient moins souvent contraintes d’arrêter le traitement pour défaut d’efficacité, par rapport à celle recevant la monochimiothérapie (8, 5 et 30% respectivement). 

On observait en effet un avantage significatif du protocole standard sur la survie sans progression, dont la médiane atteignait 12.5 mois, contre 8.3 mois pour le doublet hebdomadaire et 4.8 mois pour le carboplatine en monothérapie (p = 0.001), mais également en termes de survie globale, non atteinte dans le groupe standard contre 17 .3 mois dans le groupe recevant le doublet hebdomadaire, et 7.4 mois dans le groupe monochimiothérapie (p < 0.001). La faible efficacité observée dans le groupe monochimiothérapie a d’ailleurs conduit à l’arrêt prématuré de l’étude, dès la première analyse intermédiaire planifiée.  

Le doublet de chimiothérapie toutes les 3 semaines reste un standard chez la personne âgée « vulnérable », ne laissant aucune place pour la monochimiothérapie par carboplatine. Cette étude souligne l’importance de l’évaluation gériatrique des patientes nouvellement diagnostiquées avec un cancer de l’ovaire de stade avancé, et de la personnalisation des schémas thérapeutiques chez les patientes vulnérables.  


Articles cités :  

1. Le bévacizumab, un allié thérapeutique en première ligne, mais aussi en situation de rechute platine sensible  

ASCO 2021 

Optimal treatment duration of bevacizumab (BEV) combined with carboplatin and paclitaxel in patients (pts) with primary epithelial ovarian (EOC), fallopian tube (FTC) or peritoneal cancer (PPC): A multicenter open-label randomized 2-arm phase 3 ENGOT/GCIG trial of the AGO Study Group, GINECO, and NSGO (AGO-OVAR 17/BOOST, GINECO OV118, ENGOT Ov-15, NCT01462890). 

Pfisterer et al. 

En première ligne, prescrire le bevacizumab pour 30 mois au total n’apporte pas plus de bénéfice de survie sans progression ni de survie globale que les 15 mois de traitement habituellement préconisés.  

The Lancet Oncology, 2021 

Carboplatin-based doublet plus bevacizumab beyond progression versus carboplatin-based doublet alone in patients with platinum-sensitive ovarian cancer: a randomised, phase 3 trial 

Pignata et al. 

Chez les patientes ayant reçu du bévacizumab en première ligne, sa poursuite en situation de rechute platine sensible est associée à un bénéfice en termes de survie sans progression (11.8 vs 8.8 mois, p < 0.0001). 

2. La chirurgie de cytoréduction en situation de rechute platine sensible ? Doublement oui, à condition de bien sélectionner les patientes  

The Lancet Oncology, 2021 

Secondary cytoreduction followed by chemotherapy versus chemotherapy alone in platinum-sensitive relapsed ovarian cancer (SOC-1): a multicentre, open-label, randomised, phase 3 trial 

Shi et al. 

L’essai SOC-1 retrouve un bénéfice en termes de survie sans progression à la réalisation d’une chirurgie de cytoréduction en situation de première récidive platine sensible (17.4 vs 11.9 mois, p< 0.0001), à condition de bien sélectionner les patientes éligibles (ici au moyen du score iMODEL et d’un PET-TDM), confortant ainsi les résultats de l’essai DESKTOP III.  

3. Peu d’espoir pour un dépistage du cancer de l’ovaire en population générale … 

The Lancet, 2021 

Ovarian cancer population screening and mortality after long-term follow-up in the UK Collaborative Trial of Ovarian Cancer Screening (UKCTOCS): a randomised controlled trial. 

Menon et al.  

Le dépistage du cancer de l’ovaire dans une population de femmes non sélectionnées de 50 à 74 ans ne permet pas d’améliorer la mortalité spécifique, qu’il repose sur la réalisation d’une échographie endovaginale annuelle ou bien sur une évaluation multimodale (CA-125 +/- échographie endovaginale).  

Articles similaires
Prescription d'une contraception : cas d'usage
Prescription d'une contraception : cas d'usage
Auto-prélèvements HPV : opportunités, limites et perspectives
Auto-prélèvements HPV
Vaccin HPV
Vaccin HPV 1ère dose
Contraception : synthèse des recos
ASH 2022 – Résumé sur le myélome
Deux synthèses d’article sur le cancer de l’ovaire
Deux synthèses d’article sur le cancer de l’ovaire