PACIFIC-AFâŻ: la course au AOD ne semble pas prĂȘte de sâarrĂȘter. Les AOD ont rĂ©volutionnĂ© les anticoagulants, supplantant les AVK, mais leurs risques hĂ©morragiques soulignent le besoin de recherches pour de nouvelles alternatives.
Contexte
Les AOD ont constituĂ© une vĂ©ritable rĂ©volution lors la derniĂšre dĂ©cennie en ce qui concerne les traitements anticoagulants, et ses indications se sont rĂ©pandues largement au cours de la derniĂšre dĂ©cennie, tant et si bien que les AVK sont de moins en moins utilisĂ©s. Leur mode dâaction passe par lâinhibition du facteur anti-X (Apixaban, Rivaroxaban) ou anti-II (dabigatran). Dans la fibrillation atriale, les AOD sont devenu le traitement de rĂ©fĂ©rence. Mais si leur supĂ©rioritĂ© sur les AVK est clairement Ă©tablie, ces mĂ©dicaments sont aussi Ă lâorigine de nombreuses complications hĂ©morragiques et leur utilisation peut ĂȘtre limitĂ© chez les patients Ă haut risque hĂ©morragique en raison justement de ce surcroĂźt de risque hĂ©morragique. Ainsi les limites de cette classe thĂ©rapeutique doivent motiver Ă pousser la recherche pour accroitre lâarsenal thĂ©rapeutique des anticoagulants.Â
En lâabsence dâanticoagulant, en cas de brĂšche de la paroi vasculaire, il se forme un caillot qui permet de dâobstruer la brĂšche, avec un risque de dĂ©veloppement dâun thrombus pathologique. Les AOD (Rivaroxaban, Apixaban) par leur mode dâaction sur le facteur anti-Xa prĂ©viennent de maniĂšre efficace la formation de ce thrombus pathologique mais rendent trĂšs difficile la formation dâun caillot obstructif dâune brĂšche de la paroi vasculaire. LâidĂ©e des anti-facteurs est dâagir en aval de la cascade de la coagulation en empĂȘchant la formation de thrombus par diminution de lâamplification de la prothrombine tout en prĂ©servant les possibilitĂ©s de rĂ©aliser un caillot dâhĂ©mostase en cas de brĂšche vasculaire. LâidĂ©e sous-tendu par ces mĂ©canismes est donc un moindre risque hĂ©morragique tout en conservant lâeffet thĂ©rapeutique. Â
Dans cette optique, lâasundexian a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© par la firme BAYER pour ĂȘtre un inhibiteur du facteur XI oral. Il sâagit dâune petite molĂ©cule se fixant sur le facteur XIa permettant une inhibition dose-dĂ©pendante dont la œ vie est de 14,2-17,4h permettant une prise par jour. Les Ă©tudes de phase 1 nâont pas montrĂ© dâinteraction avec le rĂ©gime alimentaire, le cytochrome CYP3A1, les modifications du pH et la co-prescription de Clopidogrel ni de diffĂ©rence de la pharmacocinĂ©tique selon lâĂąge ou le sexe. Son Ă©limination rĂ©nale est de lâordre de 15%. En outre, la tolĂ©rance a Ă©tĂ© excellente dans les Ă©tudes de phase 1.Â
Lâobjectif de PACIFIC-AF est dâĂ©valuer lâasundexian dans une Ă©tude de de phase 2. Â
Méthodologie
En rĂ©alitĂ©, lâĂ©tude PACIFIC-AF sâintĂšgre dans un programme dâĂ©tude de phase 2 qui comprend Â
- PACIFIC-AFâŻ: Evaluation de lâasundexian dans la fibrillation atriale Â
- 750 patients randomisĂ©s Â
- RĂ©sultats prĂ©sentĂ©s Ă lâACC 200 Â
- PACIFIC-Stroke: Evaluation de lâasundexian dans lâAVC ischĂ©mique non cardio-embolique  Â
- 1800 patients randomisĂ©s Â
- RĂ©sultats prĂ©vus lâan prochain Â
- PACIFIC-AMIÂ Â
- 1600 patients randomisĂ©s Â
- RĂ©sultats prĂ©vus lâan prochain Â
Lâun des objectifs essentiels de ces Ă©tudes de phase 2 est la dĂ©termination de la dose optimale.
LâĂ©tude PACIFIC-AF est donc une Ă©tude randomisĂ© de phase 2 en double aveugle et contrĂŽlĂ© par un des traitements de rĂ©fĂ©rence quâest lâApixaban,. Le recrutement multicentrique a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© dans 93 sites rĂ©partis dans 14 pays diffĂ©rents en Europe, en Asie ainsi quâen AmĂ©rique du Nord. Â
AprĂšs randomisation, ce sont 750 patients qui sont inclus soit dans le groupe asundexian Ă dose de 20 mg (n=250) soit Ă dose de 50 mg (n=250) soit dans le groupe contrĂŽle apixaban (n=250). Ils Ă©taient pendant 12 semaines de traitement avec une pĂ©riode supplĂ©mentaire dâobservation pure de 2 semaines avant Ă©valuation du critĂšre de jugement. Â
Le critĂšre de jugement principal Ă©tait la survenue de saignement cliniquement significatif majeur ou non majeur dâaprĂšs la classification ISTH. Les autres critĂšres exploratoires comprenaient une Ă©valuation biologique par la quantification biologique de lâinhibition du facteur XI, et clinique par lâĂ©valuation dâune critĂšre composite ischĂ©mique recherchant la survenue dâun AVC, une embolie systĂ©mique, un IDM ou un dĂ©cĂšs cardiovasculaire. Â
Les caractĂ©ristiques des patients Ă baseline sont 41 % de femmes, un Ăąge moyen de 73 ans, un score CHA2DS2-VA2SC > 2 pour les hommes et 3 pour les femmes, et au moins un facteur de risque supplĂ©mentaire de dĂ©clarer un saignement. 30 % des patients avait une maladie rĂ©nale chronique et 45 % dâentre eux avaient dĂ©jĂ pris des AOD. Â
Résultats
Sur le critĂšre de jugement principal de sĂ©curitĂ©, il nâa pas retrouvĂ© de saignement majeur dâaprĂšs la classification de lâISTH dans le bras traitĂ© et 3 patients sur 250 dans le groupe asundexian 20 mg, un patient sur 250 dans le groupe asundexian 50 mg et 6 patients dans le groupe apixaban. Lâanalyse statistique montre une diminution de lâordre de 50 % de la survenue de complications hĂ©morragiques Â
Il y avait significativement moins de saignements dans le groupe asundexian comparativement au groupe apixaban dâenviron 50 %, et ces rĂ©sultats concordent peu importe la classification utilisĂ© (TIMI, BARC).
Le critĂšre de jugement exploratoire biologique a retrouvĂ© que les 2 doses entrainĂ© un haut niveau dâinhibition du facteur XI compris entre 81 et 94 %Â
Discussion
Les rĂ©sultats sont prometteurs et montrent dĂ©jĂ des rĂ©sultats spectaculaires sur le critĂšre de sĂ©curitĂ© en dĂ©pit du faible effectif et de diminution du risque hĂ©morragique. Â
Le taux dâĂ©vĂšnement hĂ©morragique a Ă©tĂ© infĂ©rieur Ă celui prĂ©vu et de fait il est relativement faible avec des effectifs peu importants. Â
Par ailleurs il est Ă noter lâutilisation du traitement de rĂ©fĂ©rence par apixaban comme comparateur Â
MalgrĂ© des rĂ©sultats trĂšs encourageants, cette Ă©tude ne permet pas et dâautres investigations restent nĂ©cessaires. La phase de recherche suit son coursâŻet les rĂ©sultats des autres Ă©tudes du programme PACIFIC restent trĂšs attendues, afin de mieux comprendre les modalitĂ©s dâutilisation et la dose intĂ©ressante avant de pouvoir commencer les Ă©tudes de phase 3 en large effectif. Â
Conclusion
Lâasundexian a montrĂ© une diminution du risque hĂ©morragique chez des patients avec indication Ă une anticoagulation pour de la fibrillation atriale en faible effectif sur une Ă©tude de phase 2 comparativement au traitement par apixaban. Â
Cette étude semble trÚs prometteuse mais doit faire attendre les études de phase 3.
Article rĂ©alisĂ© par Nabil Bouali â DES MĂ©decine Cardiovasculaire CHU Poitiers