Le myélome a été à l’honneur durant l’ASH 2022 avec des nouvelles données sur les différentes étapes de prise en charge : l’induction du myélome du sujet jeune est toujours en transformation, les patients fragiles pour le myélome ne sont pas en reste à l’ASH 2022, une étude magnétisant pour les patients myélomateux triple-réfractaire, une nouvelle cible pour les bispécifiques dans le myélome (GPRC5D), le mécanisme de rechute après bispécifique dans le myélome.
L’induction du myélome du sujet jeune est toujours en transformation
Pour débuter, l’essai de phase 2 CONCEPT vise à évaluer l’efficacité et la tolérance d’une association quadruple par IsaKRD (Isatuximab, Carfilzomib, Revlimid et Dexaméthasone) en première ligne de traitement des myélomes de haut risque (définis par t(4;14), t(14;16), del(17p) et/ou gain 1q associé à un ISS 2 ou 3). Sur les 153 patients inclus, 125 ont été retenus dans cette analyse intermédiaire, 99 patients éligibles à la greffe et 26 patients non éligibles. Les patients ont reçu 12 cycles d’IsaKRD ou 6 cycles en induction, autogreffe et 4 cycles en consolidation avant un entretien par IsaKRD. Le critère principal de l’étude est le taux de MRD à 10-5 en NGS après consolidation : il est de 68 % chez les patients autogreffés et de 54 % chez les patients non autogreffés. La tolérance est acceptable. Ces résultats confirment l’étude de l’IFM de 2018 avec la même association. C’est prometteur pour l’essai de phase 3 en cours MIDAS réalisé par l’IFM qui utilise cette même combinaison par IsaKRD avant une consolidation adaptée à la réponse post-induction.
Les patients fragiles pour le myélome ne sont pas en reste à l’ASH 2022
Pour les patients fragiles, le Pr Salomon de Lille a présenté l’étude de phase III IFM 2017-03 incluant les patients de plus de 65 ans avec un myélome et un score de fragilité élevé afin de leur proposer un traitement adapté. En comparaison du traitement de référence basé sur l’association lenalidomide et dexaméthasone à 20 mg, un bras expérimental (Daratumumab à l’association précédente mais en arrêtant la dexaméthasone après 2 mois de traitement) a été investigué. Cela a pour but de limiter le risque de complications de l’exposition prolongée aux corticoïdes à forte dose. Le bras expérimental était supérieur en taux de réponse avec des réponses rapides avec un profil de toxicité plus favorable (moins de pneumonie). Nous attendons avec impatience le résultat de l’analyse de PFS de cette étude et les données au long cours sur les complications pour confirmer le bénéfice. A noter qu’il n’a pas été prévu d’étude de qualité de vie, dommageable dans ce type d’étude.
Une étude magnétisant pour les patients myélomateux triple-réfractaire
Les anticorps bispécifiques ciblant BCMA sont maintenant disponibles sous forme d’un accès précoce. En chef de file, l’elranatamab, anticorps bispécifique ciblant BCMA et CD3, fait l’objet de plusieurs études dont MagnetisMM-3, essai de phase 2 évaluant l’elranatamab chez des patients en rechute triple-réfractaire.
Au total, 123 patients étaient inclus avec une médiane d’âge de 68 ans (étendue 36-89) et 25 % d’entre eux avaient une cytogénétique de haut-risque. Le nombre médian de lignes antérieures était de 5 (2-22). Le taux de réponse global était de 61% avec 55 % des patients ayant obtenu une très bonne réponse partielle ou mieux. A 12 mois, le taux de SSP était de 59% et le taux de survie globale de 64%. La moitié des patients ont présenté un syndrome de relargage cytokinique (CRS) dont la majorité a nécessité l’utilisation de tocilizumab avec 3% de neurotoxicité. Il a été décrit des réactivations CMV (5%) et une pneumocystose. Ce sont des infections opportunistes à surveiller et un suivi exhaustif de ces patients doit être mis en place. Il s’agit de mieux prendre en charge ce risque infectieux nouveau en lien avec les risques d’exhaustion des lymphocytes T par la stimulation chronique induite par les bispécifiques.
Une nouvelle cible pour les bispécifiques dans le myélome (GPRC5D)
Dans le registre proche, les anticorps bispécifiques ciblant GPRC5D et CD3 pourraient être une option prometteuse après les traitements anti-BCMA via les résultats de l’étude de phase I/II MonumenTAL-1 présenté par Ajai Charisur 288 patients triple-réfractaires. Le taux de réponse est de 74 % dont 58 % de VGPR (très bonne réponse partielle). La tolérance est acceptable avec la survenue d’un CRS dans 3 quarts des cas, dont un tiers a nécessité du tocilizumab. Concernant les 51 patients ayant préalablement reçu un traitement anti-BCMA (CAR-T pour 36 patients, anticorps bispécifique pour 18 patients), leur taux de réponse est de 63% et semble supérieur après CAR-T (72 %) qu’après anticorps bispécifique (44 %).
Mécanisme de rechute après bispécifique dans le myélome
Une étude ancillaire à l’essai MajesTEC-1 qui évaluait le teclistamab – un anticorps bispécifique ciblant BCMA et CD3 – chez des patients ayant un MM en rechute ou réfractaire après au moins 3 lignes de traitement. Cette étude a présenté le profil immun des patients et leur association à la réponse. Les patients non répondeurs avaient un taux de lymphocytes T CD8+PD1+ (LT effecteurs épuisés) et T CD4+CD25+ (LT régulateurs) plus élevés. La modification de ces lymphocytes pourrait permettre d’augmenter les réponses.
Il a également été décrits des pertes d’antigènes cibles du myélome lors d’utilisation d’anticorps bispécifique : BCMA et GPRC5D. L’équipe de Nizar Bahlis et Paola Neri a rapporté 2 cas de délétion mono-allélique sous-clonale de TNFRSF17 (gène codant pour BCMA, en 16p) avant traitement. Dans ces deux cas il survenait une délétion bi-allélique de BCMA au moment de la rechute. La del16p est donc un possible facteur de risque de résistance aux anti-BCMA. Concernant GPRC5D, un patient a présenté une acquisition d’une délétion bi-allélique de GPRC5D. L’utilisation alternée de ces anticorps pourraient limiter l’apparition de ces mécanismes de résistance.
Article réalisé par Pierre-Edouard Debureaux, Interne en hématologie, Responsable Partenaires et ancien Président de l’Association des Internes en Hématologie (AIH).