L'EHA dévoile des avancées prometteuses dans le traitement des leucémies, notamment avec l'impact positif des thérapies ciblées sur les LAM FLT3 mutées et les résultats encourageants des traitements sans chimiothérapie dans la LLC en 1re ligne.
Congrès EHA : résumé sur les traitements des leucémies
En dehors de l’immunothérapie, l’EHA a permis de faire un tour d’horizon sur les thérapies ciblées et de nouvelles formes de chimiothérapie dans les différentes formes de leucémie.
Le premier abstract concerne un groupe de leucémie aigüe myéloïde (LAM) de mauvais pronostic, les LAM FLT3 mutées dont la prise en charge est en train d’être profondément modifiée par les thérapies ciblées sur les mutations FLT3 (FLT3 inhibiteurs) avec l’étude QUANTUM-first. Après la midostaurine dans l’étude RATIFY, un inhibiteur de 2nde génération de FLT3 ciblant uniquement les mutations de FLT3-ITD, le Quizartinib, a été présenté en plénière par le Pr Erba. L’étude de phase III QUANTUM-First a évalué le quizartinib (QUI) versus placebo, en combinaison avec la chimiothérapie intensive (7+3) à l’induction et avec la consolidation puis en monothérapie en maintenance pendant 3 ans, chez des patients en 1re ligne de prise en charge d’une LAM avec mutation de FLT3-ITD, âgés de 18 à 75 ans. L’essai a inclus 539 patients avec un âge médian de 56 ans avec une randomisation 1:1. Le bras QUI montre une amélioration du critère de jugement principal basé sur la survie globale (médiane : 32 versus 15 mois), confirmé après censure de l’allogreffe. Les RC durent 3 fois plus longtemps dans le bras QUI (39 mois) que dans le bras PBO (12 mois). A noter, cette différence pourrait être expliquée par la maintenance qui était réalisée chez tous les patients répondeurs dans le bras expérimental, comme la maintenance par midostaurine dans l’étude RATIFY. Pour la toxicité, un surrisque d’infections mortelles est observé dans le bras QUI (8% versus 6% à J60). Des allongements du QTc sont décrits avec le QUI qui n’ont pas eu de traduction clinique majeure. Ce second essai positif du ciblage de FLT3 en 1ère ligne dans les LAM est intéressant. Les essais en cours du groupe Hovon, où les centres français participent, va comparer 2 inhibiteurs de FLT3 le gilteritinib et la midostaurine, et vont permettre de mieux adapter le traitement dans ce sous-type de leucémie.
Également dans les LAM, l’étude MRC-15 a étudié l’administration de 4 cures de CPX-351 (forme liposomale de 3+7 validée dans les LAM MRC et secondaires chez les plus de 60 ans) versus un schéma intensif comportant 2 cures FLAG-IDA puis 2 cures de MACE en 1ère ligne chez des sujets de 18 à 60 ans avec un LAM avec cytogénétique défavorable ou SMD de haut risque. L’étude a inclus 195 patients (88 patients dans le bras FLAG-IDA et 107 dans le bras CPX-351) avec un âge médian à 55 ans. Les patients étaient allogreffés après les 2 premiers cycles. Il est observé une différence de survie sans rechute (22 mois pour CPX-351 versus 8 mois pour FLAG-IDA) pouvant être expliquée par un taux plus important d’allogreffe (63% versus 49%) mais sans différence de survie globale (13 mois versus 11 mois). Il n’y a pas eu de nouveau signal de toxicité pour le CPX-351. Ces résultats du CPX-351 chez des patients de moins de 60 ans dans la population de pronostic défavorable, ainsi que les résultats rétrospectifs français chez les plus de 60 ans du Dr Chiche permettent de proposer le CPX-351 en bridge vers l’allogreffe. Ce traitement n’est pas curateur à lui seul au vu des taux de rechute élevés observés dans ces différentes études.
Pour finir, nous allons parler de leucémie lymphoïde chronique (LLC) avec les résultats attendus de l’étude GAIA/CLL13 présenté dans la session late abstract session de l’EHA. Cet essai a comparé en 1re ligne de traitement de la LLC un traitement par immunochimiothérapie (FCR ou bendamustine + rituximab [BR]) en comparaison à 3 combinaisons chimio-free pour un an à base de vénétoclax : vénétoclax + rituximab (RV), vénétoclax + obinutuzumab (GV) ou la triple association vénétoclax + ibrutinib + obinutuzumab (GIV). Pour être inclus, les patients ne devaient pas être porteurs d’anomalie de la voie de TP53. Cet abstract a présenté les résultats sur le critère de jugement principal qu’était la survie sans progression (SSP) entre le bras chimiothérapie versus GV et également chimiothérapie versus GIV. Le suivi médian était de 39 mois. Un bénéfice significatif en SSP a été observé entre les bras GV versus chimiothérapie (HR 0.42, 97.5%IC 0.26-0.68) et GIV versus chimiothérapie (HR 0.32 97.5%CI 0.19-0.54). Ce bénéfice semble plus important chez les patients avec un statut IGVH non muté. Chez les patients IGVH mutés, il n’a pas été observé de différence de SSP à 3 ans (96 % dans le bras GIV, 94 % dans le bras GV et 90 % dans le bras chimiothérapie). Également, il n’y a pas de différence entre RV et l’immunochimiothérapie. La survie globale était similaire entre les bras. Pour la toxicité, un taux plus important de neutropénies fébriles, de complications infectieuses a été observé dans le bras GV et GIV versus chimiothérapie. Le taux de seconds cancers (majoration des carcinomes cutanés hors mélanome) était plus important dans le bras chimiothérapie avec 49 cas observés contre 27 dans le bras GV et 29 dans le bras GIV. Ces résultats confirment la supériorité des associations chimio-free à durée fixe par rapport à la chimiothérapie en 1ère ligne en dehors des patients avec statut IGVH muté chez qui les 2 stratégies offrent des résultats similaires. Il n’y a pas été démontré de bénéfice de la triplette GIV par rapport à GV (analyse complémentaire sera rendu dans les prochaines années sur cette étude). Au cours des dernières années, la place de la chimiothérapie en 1re ligne de la LLC se réduit davantage au profit de stratégies chimio-free à durées fixes avec la limitation de l’obtention d’AMM en France pour ces traitements.
Article réalisé par Pierre-Edouard Debureaux, interne en hématologie et Président de l’Association des Internes en Hématologie (AIH).