Congrès EHA : résumé sur l’immunothérapie dans le lymphome B diffus à grandes cellules
L’EHA a fait la part belle à l’immunothérapiesurtout sur laprise en charge des lymphomes B diffus à grandes cellules(LBDGC). Après la 1èreligne de traitement,40% des patientsavec LBDGC sont réfractaires ou en rechute. Cette situation est de mauvais pronostic avec unemédiane de survie par chimiothérapie < 6 moisdans l’étude SCHOLAR-1. Récemment,l’immunothérapie avec les CAR T cells et les anticorps bispécifiquesa apporté de l’espoir avec les 3 abstracts suivants .
Le Pr Sureda a présenté une analyse de sous-groupe despatients âgés de plus de 65 ansde l’étude ZUMA-7 évaluantl’axicabtagene ciloleucel (Axi-cel, sans traitement de bridge hors corticoïdes) versus le traitement de référence(chimiothérapie à base de platine puis traitement intensif associé à une autogreffe) dans les LBDGC en 2èmeligne. Cette étude randomisée de phase III a inclus109 patients de plus de 65 ans (51 dans le bras Axi-cel et 58 dans le bras contrôle) avec un bon état général (PS0-1). Pour la faisabilité,96% des patients ont reçu les CAR T cells contre seulement 34% des patients ont reçu l’autogreffe(principalement par manque de réponse avec seulement 54% de réponse globale dont 33% de RC). En comparaison, 88% des patients ayant reçu l’Axi-cell ont obtenu une réponse dont 75% de réponse complète. Il y a eu un décès toxique dans chaque bras. Avec un suivi médian de 24 mois, il y a un bénéfice de survie sans progression (21 mois versus 3 mois, p<0,0001). Il y a également une amélioration des scores de qualité de vie en faveur du bras Axi-cel. Les patients agés avaient uneprobabilité 6 fois plus importantde recevoir un traitement potentiellement curatif dans le bras CAR T cells. Dans ce groupe de patients (âgés mais en bon état général), les CAR T CELLS semble être une option privilégiée.
Le registre français DESCAR-T (données en vie réelle de l’emploi des CAR T cells en France) a fait l’objet de plusieurs présentations. Une analyse appareillée a été présentée par le Pr Bachy (Lyon Sud) entre les patients ayant reçu les 2 premiers CAR-T cells (l’axicabtagene ciloleucel [Axi-cel] et le tisagenlecleucel [Tisa-cel]), approuvés en France en 3eme ligne de traitement ou plus dans le LBDGC. Une comparaison indirecte des patients traités par Axi-cel ou Tisa-cel, appariés sur un score de propension sur de multiples variables (âge, sexe, taux de LDH, ECOG, classification Ann Arbor, nombre de lignes antérieures). Sur les 809 patients ayant un LBDGC inclus entre 2018 et 2021, 209 Tisa-cel et 209 Axi-cel ont été comparés. Le taux de réponse complète (RC) étaient supérieurs pour l’Axi-cel que pour le Tisa-cel (60% vs 42%, p < 0,001). Avec un suivi médian d’un an, la médiane de survie sans progression était de 8 (Axi-cel) vs 3 mois (Tisa-cel) soit un HR 0,61 IC95% 0,5-0,9 ; p < 0,001. Ce bénéfice est confirmé en survie globale (HR 0,6, IC95% 0,5-0,9, p=0,007).
Pour la tolérance, l’Axi-cel était associé à un risque plus important de syndrome de relargage cytokinique de grade 1-2 mais sans différence pour les grades 3-4. En revanche, les toxicités neurologiques (ICANS) de grade 3-4 étaient plus fréquentes post Axi-cel (14%) que Tisa-cel (3%). Cette étude en vie réelle a permis de montrer une différence entre les 2 principaux CAR T cells dans le LBDGC sur l’efficacité et la toxicité. La construction du CAR T cell est un vaste champ d’exploration pour les prochaines années.
Les anticorps bispécifiques ont confirmé leur intérêt dans la prise en charge du LBDGC lors de la plénière de l’EHA. Le Pr Thieblemont (Hôpital Saint Louis) a présenté un essai concernant l’epcoritamab, un anticorps bispécifique CD20-CD3 administré par voie sous cutanée jusqu’à progression. Dans cette étude de phase II, 157 patients ont été inclus avec un âge médian de 64 ans et ayant reçu au moins 2 lignes de traitements contenant au moins un anticorps anti-CD20. Près de 40% des patients avaient une rechute post CAR T cells et 20% avaient reçu une autogreffe. Le taux de réponse globale est de 63% dont 39% de réponse complète. Pour les patients ayant reçu des CAR T cells, le taux de réponse globale était de 54% dont 34% de réponse complète. Avec un suivi médian de 11 mois, la médiane de survie sans progression n’est pas atteinte et la survie globale à 1 an est de 53%. La tolérance était acceptable grâce à une augmentation progressive des doses avec 50% de syndrome de relargage cytokinique (SRC) et 6% de toxicité neurologique (ICANS) dans les 15 premiers jours de traitement. Seulement 3% de grade 3 de SRC a été décrit et il y a eu 1 cas fatal de neurotoxicité. Cette nouvelle arme thérapeutique est prometteuse pour les LBDGC en rechute/réfractaire avec des résultats intéressants en post CAR T cells.
En conclusion, le positionnement entre les anticorps bispécifiques (traitement disponible rapidement mais traitement continu jusqu’à progression et la question de la possibilité de guérison ?) et les CAR T cells (traitement en une fois pouvant entrainer une guérison mais limité par l’accessibilité et le délai entre lymphaphérèse et administration) est sujet à un débat passionnant dans les prochaines années.
Article réalisé par Pierre-Edouard Debureaux, interne en hématologie et Président de l’Association des Internes en Hématologie (AIH).