ASH 2023 : avancées et perspectives sur les soins de support
Étude IMPROVE sur la Leucémie Lymphoïde Chronique (LLC)
L'étude IMPROVE au Royaume-Uni a examiné l'effet d'une interruption de trois semaines dans le traitement par inhibiteur de la tyrosine kinase de Bruton (BTKi) sur la réponse immunitaire au vaccin COVID-19 chez des patients atteints de LLC. Les participants, sous traitement BTKi depuis plus d'un an, ont été randomisés pour soit suspendre le BTKi, soit le poursuivre avant de recevoir leur dose de rappel du vaccin. Bien que l'étude n'ait pas démontré d'amélioration significative de la réponse au vaccin dans le groupe ayant interrompu le traitement, une légère augmentation des taux de séroconversion a été observée.
Cependant, une augmentation de l'adénopathie chez certains patients suggère que l'interruption du traitement BTKi pourrait ne pas être bénéfique pour la réponse vaccinale, indiquant que l'impact des BTKi sur les lymphocytes B est durable et influence la réponse immunitaire à long terme. Une évaluation plus approfondie de l'impact sur les lymphocytes T serait pertinente, étant donné que les BTKi peuvent potentiellement restaurer leur fonction dans le contexte de la LLC.
Microbiote en hématologie : un facteur clé pour l'efficacité des traitements
L'importance du microbiote dans nos fonctions digestives, métaboliques, immunitaires et neurologiques a été mise en avant, soulignant son rôle dans la digestion et la protection contre les infections. Les déséquilibres du microbiote, ou dysbioses, peuvent être associés à diverses pathologies, y compris les troubles inflammatoires, auto-immuns, et influencent la réponse aux traitements en hématologie. Il vient d’intégrer la roue de genèse du cancer. L'impact du microbiote sur l'efficacité des thérapies a été démontré dans le contexte des anticorps anti-PD1, des allogreffes (en termes de rechute et de risque de maladie du greffon contre l'hôte) et récemment dans le cadre des traitements par CAR T CELLS.
À titre d'exemple, la majorité des patients sous CAR T CELLS (70%) reçoivent des antibiotiques avant le traitement, dont 20% reçoivent des antibiotiques à large spectre, tels que la Tazocilline, l'Imipénème et le Méropénème. L'utilisation de ces antibiotiques à large spectre dans le mois précédant le traitement par CAR T CELLS est associée à une diminution de la réponse et de la survie des patients. Pour éliminer un biais potentiel (les antibiotiques étant administrés plus souvent à des patients plus fragiles), une analyse similaire a été réalisée chez les patients exposés au Céfépime, qui n'a montré aucun impact sur la réponse ou la survie.
À l'avenir, il semble judicieux de favoriser un microbiote diversifié, par exemple par l'apport de fibres et la limitation des antibiotiques à large spectre en favorisant les céphalosporines si nécessaire. Le microbiote représente une cible thérapeutique prometteuse, étant plus facile à moduler que la cellule tumorale elle-même. Le traitement pourrait inclure la greffe fécale ou l'apport de probiotiques pour favoriser certains micro-organismes bénéfiques. Cependant, avant de recourir aux probiotiques disponibles en pharmacie, il est important de noter qu'ils ont été développés avant que nous puissions caractériser précisément le microbiote via des analyses par PCR 16S. La majorité des espèces fournies, comme les lactobacilles, pourraient ne pas être bénéfiques, voire potentiellement délétères, dans le contexte du cancer. Une étude sur le mélanome publiée dans Science en 2021 a révélé que les probiotiques pouvaient diminuer l'activité anti-tumorale et être associés à une survie sans progression plus courte. En attendant l'arrivée de probiotiques adaptés aux cancers, et à l'instar des antibiotiques, leur utilisation n’est pas automatique !
Traitement efficace des hémorragies dans la maladie de Rendu-Osler
La maladie de Rendu-Osler est caractérisée par des télangiectasies et des malformations artério-veineuses, entraînant des épistaxis récurrentes et sévères, cette maladie a été l'objet d'une étude significative, PATH-HHT, réalisée dans 13 centres américains. Cette étude est la première à évaluer l'efficacité de la pomalidomide, un médicament anti-angiogénique, dans le traitement de la maladie de Rendu-Osler. L'essai, qui a inclus 144 patients randomisés pour recevoir soit la pomalidomide soit un placebo pendant 6 mois, a montré une diminution significative de l'intensité des épistaxis et une amélioration de la qualité de vie chez les patients traités par pomalidomide, malgré une incidence accrue d'effets secondaires tels que la neutropénie et les troubles digestifs. Cette étude met en lumière le potentiel des IMIDS comme thérapie pour la maladie de Rendu-Osler et souligne l'importance des essais contrôlés pour l'évaluation de nouveaux traitements dans le domaine des maladies rares.
Conclusion
Le congrès de l'ASH 2023 a marqué des avancées décisives qui redéfiniront l'avenir des soins en hématologie. Des études sur la LLC à l'exploration du microbiote, chacune offre des opportunités prometteuses pour améliorer les traitements et approfondir notre compréhension des maladies hématologiques.
En savoir plus sur la gestion des pics monoclonaux et les nouveaux résultats sur les immunothérapies dans le myélome abordés lors du dernier congrès de l'American Society of Hematology (ASH) 2023.
Article réalisé par le Dr Pierre-Edouard Debureaux, Interne en hématologie, Responsable Partenaires et ancien Président de l’Association des Internes en Hématologie (AIH).