ASH 2023 : gestion des pics monoclonaux et complications associées
Étude iStopMM : L'exemplaire initiative islandaise
L'étude iStopMM, réalisée en Islande et dirigée par Sigrún Thorsteinsdóttir de l'Université d'Islande à Reykjavík, a invité les résidents islandais de 40 ans et plus (nés avant 1975) à participer à un dépistage national de la gammapathie monoclonale et de ses conséquences, incluant un électrophorèse des protéines sériques +/- immunofixation et de chaînes légères libres (FLC). Parmi les 75 422 participants (51% de la population ciblée), 193 ont été diagnostiqués avec le SMM. Cette cohorte a apporté de nouvelle information :
- Le dépistage précoce de la gammapathie monoclonale augmente le diagnostic des formes indolentes de myélome et de Waldenström lié à une surveillance rapprochée. Lors du suivi de ces formes indolentes, il ne permette pas de diminuer l’incidence de myélome actif (aucun traitement précoce n'étant pour le moment validé dans cette indication) mais il permet de diagnostiquer des myélomes actifs à des stades moins agressifs (dans les deux premières années de suivi) avec moins d’admissions aux urgences pour complications (insuffisance rénale, hypercalcémie, fracture pathologique). De plus, la qualité de vie des patients diagnostiqués avec une gammapathie monoclonale a été évaluée et comparée à celle des patients non diagnostiqués, sans trouver de différence significative entre les deux groupes. Cela semble en faveur d’un dépistage global de la recherche de pic, même si cela pose également des questions d’économie de la santé d’un dépistage massif.
- Il a également été démontré une association entre gammapathie monoclonale et thrombose (augmentation de 30% du risque de thrombose veineuse en présence de gammapathie monoclonale) avec une tendance à l’augmentation des thromboses artérielles périphériques. Le mécanisme en cause n’est pas complètement élucidé et fera l’objet d’études complémentaires.
- Cette étude a permis de mieux définir les ratios des chaînes légères selon l’âge et le DFG, deux facteurs pouvant influencer la clairance de ces chaînes légères sériques. La définition de ces nouvelles normes permet de reclasser 80% des patients initialement proposés comme MGUS à chaînes légères et ainsi de limiter les dépenses de soins pour suivre des patients non malades liés à ces fluctuations de la normale.
Intérêt de l’électrophorèse dans le bilan d’anémie : fausse bonne idée ?
Une étude menée à la Mayo Clinic en 2021 a évalué l'utilité du dépistage systématique de la gammapathie monoclonale dans le bilan d'anémie isolée. Sur 271 patients anémiques testés, seuls 33 (12%) ont été diagnostiqués avec une nouvelle gammapathie monoclonale, et parmi eux, seulement 2 avaient une anémie directement liée à cette condition. La majorité des anémies étaient dues à d'autres causes, telles que carences en fer ou en vitamine B12, anémie inflammatoire ou maladie rénale. La recherche a conclu que le dépistage systématique de la gammapathie monoclonale dans l'anémie isolée présente une faible utilité clinique pour des anémies modérées (> 10 g/dL), avec un coût élevé (50 euros par test +/- les tests complémentaires) et un impact psychologique potentiellement négatif pour les patients. La recommandation s'oriente vers une évaluation des causes générales d’anémie et suggère que le myélogramme pourrait être plus pertinent dans certains cas que l'électrophorèse des protéines sériques pour les anémies modérées.
Conclusion
Cette synthèse couvre de manière exhaustive les progrès scientifiques dévoilés lors de l'ASH 2023, soulignant des stratégies novatrices dans la gestion des pics monoclonaux et apportant des perspectives cruciales pour l'évolution de la pratique médicale.
En savoir plus sur les avancées significatives en matière de soins de support et les nouveaux résultats sur les immunothérapies dans le myélome abordés lors du dernier congrès de l'American Society of Hematology (ASH) 2023.
Article réalisé par le Dr Pierre-Edouard Debureaux, Interne en hématologie, Responsable Partenaires et ancien Président de l’Association des Internes en Hématologie (AIH).