Retrouvez de nouveaux résultats présentés lors du congrès 2023 de l'European Hematology Association sur le myélome avec plasmocytome extra-médullaire, les associations de bispécifiques et leurs résistances.
Myélome avec plasmocytome extra-médullaire : une population de mauvais pronostic…
De multiples posters ont mis en avant le mauvais pronostic des atteintes extra-médullaires et osseuses du myélome malgré les avancées. Le poster d’une équipe tchèque mené par le Dr Zihala porte sur l’étude les anomalies moléculaires présentes dans ces lésions extra-médullaires/osseuses chez 14 patients. Ils ont retrouvé dans tous les cas sauf 1 des amplifications 1q21 et des anomalies de la voie des MAPK kinase. Les cellules dans ces atteintes extra-médullaires sont associées à des voies de prolifération elles-mêmes régulées par la production d’IL-6 qui favorise la production normale de plasmocytes (production dIg et la protéine CXCR4) et la diminution de la production des protéines du système HLA. (échappement immunitaire). Certaines voies ont été proposées pour cibler ces lésions via CD70 et EZH2 et pourraient faire l’objet de développements futurs.
L’association de bispécifiques est une piste prometteuse pour les formes extra-médullaires
Le Teclistamab (Tec) est le premier anticorps bispécifique dirigé contre le BCMA (BCMAxCD3) approuvé pour le traitement du myélome multiple en rechute/réfractaire (MMRR) exposé à trois classes. Le Talquetamab (Tal), un anticorps bispécifique ciblant le nouvel antigène du myélome, GPRC5D (GPRC5DxCD3), a montré une efficacité prometteuse chez les patients atteints de MMRR. En ciblant simultanément deux antigènes du myélome validés, l'utilisation combinée du Tec et du Tal pourrait conduire à de meilleurs résultats en surmontant les mécanismes de résistance, tels que l'évasion antigénique.
Les premiers résultats de l'essai RedirecTT-1 de phase 1b chez des patients atteints de MMRR ont été rapportés au cours du congrès de l’EHA. Les patients inclus présentaient un MM en rechute ou réfractaire au dernier traitement ; ils avaient été exposés à au moins un inhibiteur du protéasome, à un IMID et à un anticorps ciblant le CD38. Les objectifs principaux étaient d'évaluer la sécurité et d'identifier un schéma posologique recommandé pour la phase II.
Dans cette étude, 63 patients ont reçu le Tec et le Tal toutes les 2 semaines. L'âge médian était de 67 ans avec un nombre médian de traitements précédents était de 5 dont 33% à cytogénétique à haut risque, 78% triple réfractaire ; 63% penta-exposés et 43% avec une maladie extra-médullaire/osseuse. La durée médiane de suivi était de 14 mois. Les effets indésirables sont équivalents à ceux des deux monothérapies : 13 % de neutropénie fébrile, 3 % de SRC de grade 3-4, 5% d’ICANS (toxicité neurologique), 61 % de dysgueusie et 83 % d’infections dont 53 % de grade III-IV. À tous les niveaux de dose, le taux de réponse globale (ORR) était de 84% dont 41% de réponse complète.
Avec un suivi de 8 mois, la durée de médiane de réponse n'est pas atteinte, la survie sans progression à 9 mois est de 77%. A noter, que le taux de réponse est 86% chez les patients avec atteinte extra-médullaire/osseuse.
L'étude RedirecTT-1 apporte donc des résultats prometteurs du ciblage simultané de BCMA et GPRC5D tout particulièrement chez les patients de mauvais pronostic avec atteinte extra-médullaire/osseuse. Les conditions optimales d'utilisation doivent encore être précisées : combinaison parfaitement simultanée, ou alternance, durée fixe ou jusqu'à progression ? D'autres essais cliniques sont en cours pour répondre à ces questions.
Et la résistance au traitement bispécifique et les associations de traitements
Plusieurs équipes ont déjà rapporté des mutations de BCMA ou GPRC5D pour expliquer la perte de la cible de l'anticorps bispécifique dans le myélome. Il a également été rapporté un mécanisme épigénétique expliquant une perte d'expression chez un patient traité par talquetamab, en réponse partielle. Ce patient a été étudié en whole genome sequencing (WGS) en début de traitement puis sous traitement. Cette inactivation est constatée après 10 mois de traitement.
Également, une étude récente, connue sous le nom de TRIMM-2, a évalué l'efficacité d'une combinaison de deux traitements, le Talquetamab (Tal) et le Daratumumab (anti-CD38, exprimé par les plasmocytes mais aussi par les lymphocytes T régulateurs), chez des patients atteints de myélome multiple résistant aux traitements dont le Daratumumab.
Les résultats initiaux de l'étude TRIMM-2 ont montré que l'administration sous-cutanée du Tal, à des doses recommandées pour la phase 2, combinée au Daratumumab.
L’âge médian des patients était de 63 ans, et 18 % présentaient des anomalies cytogénétiques à haut risque. De plus, 25 % des patients avaient des plasmocytomes extramédullaires. Les patients avaient reçu en moyenne cinq lignes de traitement antérieures. L’association avait une efficacité prometteuse (réponse globale à 78% dont 45% de RC) sur 65 patients sur un suivi court de 11 mois. Aucun nouveau signal de toxicité n’est apparu avec majoritairement des réactions cutanées, des phanères et des infections (63%). Cette association semble prometteuse et des essais de phase III sont en cours sur l’association anticorps anti-CD38 et bispécifiques dans le myélome pour confirmer ces résultats.
Article réalisé par le Dr Pierre-Edouard Debureaux, Interne en hématologie, Responsable Partenaires et ancien Président de l’Association des Internes en Hématologie (AIH).