ASH 2023 : immunothérapies dans le myélome
Débat CAR T CELLS versus anticorps anti-bispécifique
Les CAR T CELLS, qui avaient des résultats très prometteurs, avaient été éclipsés l’année dernière par l’arrivée de plusieurs anticorps bispécifiques ciblant également le BCMA dans le myélome. Les anticorps bispécifique permettent un traitement plus rapide (directement disponible) que les CAR T CELLS autogéniques en engageant les lymphocytes T contre les cellules tumorales. Toutefois, le développement de CAR T CELLS NK à partir du sang de cordon est une voie possible d’amélioration dans les prochaines années pour les CAR T CELLS.
Cette ASH (American Society of Hematology) a permis de remettre en perspective ces résultats avec la confirmation en phase III d’une survie médiane après traitement par CAR T CELLS de plus d’un an et demi, des données qui se confirment en vie réelle. Par contre, les données de vie réelle sont moins impressionnantes du côté du Teclistamab (anticorps bispécifique BCMAxCD3), avec une PFS de 5 mois (versus 11 mois pour les essais cliniques) chez des patients fortement prétraités. Une comparaison sera nécessaire en appareillant et il sera intéressant d’avoir les résultats de ces traitements dans les premières phases. Dans une méta-analyse présentée en poster sur les formes les plus sévères (atteinte extra-médullaire et cytogénétique à haut risque), le taux de réponse et de survie globale semble supérieur pour les CAR T CELLS. L’agencement des traitements a son importance dans le futur (certains orateurs ont proposé d’utiliser les anticorps bispécifiques en traitement de bridge pour les CAR T CELLS).
Le groupe coopérateur espagnol du myélome a présenté une comparaison sur la profondeur de la réponse sous ces traitements et il a rappelé l’importance d’obtenir une réponse complète et une MRD négative en cytométrie en flux pour obtenir une réponse durable dans le temps en rechute. Les taux de MRD négative étaient plus élevés chez les patients ayant reçu des CAR T CELLS que chez ceux ayant reçu des bispécifiques. Toutefois ces données nécessitent un suivi plus prolongée pour confirmer l’association à des réponses plus prolongées et également de proposer un prise en charge en cas de MRD positive post CAR T cells ou bispécifique (faible efficacité des anti-PD1, introduction d’un IMID ?).
En termes de toxicité, les CAR T CELLS sont à l’origine de plus de toxicité aiguë avec un grade plus élevé pour le syndrome de relargage cytokinique, les ICANS ainsi que la toxicité hématologique (qui vient d’être nommée ICATS). Toutefois pour le moyen terme (1-2 ans), la toxicité infectieuse a été comparé en vie réelle au MSKCC (New York). À 1 an, les infections de Grade 3 ou plus étaient de 50% dans le groupe bispécifique versus 25% dans le bras CAR T CELLS. Vingt pour cent des patients sous bispécifique ont présenté des infections sévères à répétition versus 7% pour le bras CAR T CELLS. La présence d’une hypogammaglobulinémie profonde était associée au risque d’infection sévère dans le groupe bispécifique mais pas dans le groupe CAR T CELLS. Il est nécessaire d’explorer ce point mais cela rappelle le risque d’exhaustion des lymphocytes T lors de stimulation chronique comme dans l’exposition répété aux anticorps bispécifiques (stimulant tous les lymphocytes T). Dans le traitement par CAR T Cells, la stimulation est plus courte et est associé à une reconstitution immunitaire plus rapide. Une amélioration de ces points pourrait venir d’une diminution de dose, de fréquence d'injection ou d’arrêt en cas de réponse aux anticorps anti-bispécifiques (en cours d’étude).
Pour conclure sur ce débat, l’avenir est dans l’association de ces traitements et nous avons hâte de voir les résultats dans les prochains congrès.
Le rôle du plerixafor post-autogreffe
En plus de ces traitements novateurs, une étude a montré un effet immunologique de l’autogreffe, toujours considérée comme biologiquement inactive. Dans une étude portant sur l'amélioration de la réponse chez des patients atteints de myélome multiple après une autogreffe de cellules souches, sans traitement d'entretien, il a été observé que 20% à 30% des patients montrent une amélioration significative de leur réponse à distance de l’autogreffe. Pour le confirmer, une équipe anglaise a présenté une étude analysant 90 patients, où 27% d'entre eux ont montré une amélioration de la réponse au cours des deux premières années post autogreffe sans entretien, avec un temps médian d’amélioration à 1 an. Aucune caractéristique des patients ou de la maladie avant autogreffe n’était associée à cette réponse, sauf l'utilisation du plerixafor pour le recueil de cellules souches hématopoïétiques. Le plerixafor a augmenté la présence de lymphocytes T dans le greffon, notamment des lymphocytes T CD4 mémoires centraux (68% contre 49%), avec une dose absolue plus élevée (224 contre 78,2 x 10^6 cellules/kg). De plus, une fréquence élevée de cellules NK dans le greffon était associée à une meilleure réponse. Ces résultats indiquent que les modifications de la composition cellulaire dans le greffon, en particulier l'augmentation des lymphocytes T et NK due à l'effet du plerixafor, jouent un rôle crucial dans l'amélioration de la réponse après l'autogreffe. L’autogreffe, considéré comme uniquement un sauvetage de la chimiothérapie haute dose administré au préalable, a un potentiel effet immunologique anti-tumoral !
Conclusion
L'ASH 2023 a marqué une étape importante dans la consolidation des données sur les immunothérapies contre le myélome, offrant une vision plus claire des avantages respectifs des CAR T CELLS et des anticorps bispécifiques. Les discussions ont mis en évidence la nécessité d'une approche intégrée pour maximiser l'efficacité des traitements.
En savoir plus sur la gestion des pics monoclonaux et les avancées significatives en matière de soins de support abordés lors du dernier congrès de l'American Society of Hematology (ASH) 2023.
Article réalisé par le Dr Pierre-Edouard Debureaux, Interne en hématologie, Responsable Partenaires et ancien Président de l’Association des Internes en Hématologie (AIH).